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Comment les inondations au Kenya pourraient favoriser les maladies tropicales négligées

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Entre mars et mai dernier, de graves inondations ont frappé le Kenya. Il s’agit de l’une des pires catastrophes naturelles que le pays a connu dans les dernières années. Avec plus de 315 morts et des milliers d’autres personnes déplacées, les effets sur les vies ont été dévastateurs. Quelques mois plus tard, le ministère de la Santé et d’autres organisations alertent sur les impacts de l’après coup, qui pourraient être considérable pour la santé des kenyans.

 

Les inondations ont entraîné l’interruption des services essentiels et de la fourniture de soins de santé de routine. Cet arrêt brutal, et une reprise difficile, menacent d’anéantir les progrès réalisés dans la lutte contre les maladies, particulièrement les maladies tropicales négligées. Les crues ont emporté avec elles des années de progrès réalisés dans la lutte contre ces maladies débilitantes. Les répercussions sont importantes à court et moyen termes.

 

Des maladies qui touchent les plus pauvres

La dengue, la  lèpre, la rage ou la rage font partie de la vingtaine de maladies, listées par l’Organisation Mondiale de la Santé, dues à différents agents pathogènes (virus, bactéries, parasites, champignons ou toxines).

L’Afrique compte un tiers des cas mondiaux. Les personnes les plus touchées sont généralement les plus pauvres des régions tropicales et subtropicales vivant dans les zones rurales, les bidonvilles urbains et les zones de conflit. Ces communautés manquent souvent d’accès à l’eau potable, à l’assainissement et aux soins de santé, ce qui exacerbe la propagation et l’impact de ces maladies.

Les conséquences sanitaires, sociales et économiques de ces maladies sont dévastatrices. Elles impactent négativement les enfants et les adolescents durant leur cycle scolaire et réduisent les perspectives professionnelles. Mal connues et mal prises en charge, elles font souvent l’objet de stigmatisation et d’exclusion sociale.

 

Impact à court terme

A court terme, en lien avec la réponse à l’urgence humanitaire, la principale préoccupation était l’aggravation des crises sanitaires existantes. Les eaux de crue ont créé des terrains de reproduction idéaux pour les moustiques qui provoquent des maladies tropicales négligées et des maladies connexes. Les populations déplacées se sont également retrouvées dans des camps surpeuplés avec des installations insuffisantes, ce qui a pu faciliter la propagation des maladies.

Au plus fort des inondations, Amref Health Africa a constitué une équipe qui a travaillé en étroite collaboration avec les agents la santé communautaire dans certains comtés pour évaluer les besoins en matière de santé des populations touchées. Parmi les réponses, des unités de soins mobile ont permis d’apporter des services essentiels et spécialisés pour les publics les plus vulnérables.

 

Impact à long terme

Au-delà de la crise immédiate, les implications à long terme des inondations sur le contrôle des maladies tropicales négligées sont tout aussi préoccupantes. Les déplacements et la perte de moyens de subsistance ont perturbé le tissu socio-économique des communautés, les rendant vulnérables aux maladies.

Les maigres ressources détournées vers les efforts d’intervention d’urgence peuvent également avoir détourné l’attention et le financement des programmes de lutte contre les maladies tropicales négligées, bloquant ainsi les progrès dans le contrôle et l’élimination des maladies.

L’expérience a montré que la collaboration entre le gouvernement national et les gouvernements des comtés, les organisations non gouvernementales et les organismes donateurs est primordiale. Des mesures immédiates sont nécessaires pour renforcer la surveillance des maladies.

 

Lutter pour l’équité et les soins de santé primaire

Malgré les efforts pour combattre ces maladies, des défis tels que le financement insuffisant et les inégalités en matière de santé persistent. Combattre les maladies tropicales négligées, c’est lutter pour un accès équitable à des soins de santé de qualité et fait partie intégrale de la réalisation de la couverture sanitaire universelle d’ici à 2030.

Pour l’équité en matière de santé, cela aide à réduire les disparités en matière de santé et à garantir que les populations vulnérables reçoivent les soins nécessaires.

Les maladies tropicales négligées peuvent causer des incapacités à long terme, réduisant la capacité des individus à travailler et à contribuer à leurs communautés, perpétuant ainsi les cycles de pauvreté. Les combattre a une incidence directe sur la prospérité des familles, des communauté et des pays.

En termes de sécurité sanitaire continentale et mondiale, contrôler ces maladies est indispensable pour prévenir les épidémies et réduire le fardeau mondial des maladies, contribuant ainsi à la sécurité sanitaire globale.

Au Kenya, comme dans les autres pays d’Afrique dont les systèmes de santé sont fragilisés, les efforts pour combattre les maladies tropicales négligées incluent l’administration massive de médicaments, l’amélioration de l’eau et de l’assainissement, et l’augmentation de l’accès aux soins de santé. Ces efforts sont essentiels pour atteindre la couverture sanitaire universelle et améliorer la qualité de vie de millions de personnes.

 

Des conditions aggravées par le changement climatique

Le changement climatique augmente la fréquence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes, créant un cycle de vulnérabilité pour les communautés déjà accablées par les maladies tropicales négligées.

La hausse des températures élargit l’éventail géographique des vecteurs de maladies, apportant certaines de ces maladies dans des régions auparavant épargnées et peut également entraîner la réémergence de maladies déjà contrôlées ou presque éliminées.

Les effets du changement climatique sur les maladies tropicales négligées soulignent la nécessité d’une approche transdisciplinaire et multidimensionnelle pour relever les défis environnementaux et sanitaires.

 


Basé sur l’article  « How recent flooding crisis could fuel neglected topical diseases in Kenya » (The Standard), dans lequel sont interrogés Sheba Odondi, Spécialiste de la communication, et Vincent Ouma, Spécialiste en santé publique et responsable du programme sur les maladies tropicales négligées chez Amref Health Africa.

Crédit photo : Health Africa, Linda Mwendwa Kariuki