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Projet Devenir : agir ensemble pour mettre fin aux mutilations sexuelles féminines au Sénégal

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Depuis 2019, au Sénégal, le projet Devenir vise à sensibiliser les communautés pour accroître l’expression d’une demande collective en faveur de l’abandon des mutilations sexuelles féminines. Une nouvelle phase a démarré en mars 2024 à Sédhiou, localité au sud-est du pays qui présente une forte propension à l’excision.

La pratique de l’excision couvre des dimensions traditionnelle, culturelle et/ou religieuse. Elle perdure en tant que rite de passage à l’âge adulte pour les filles avant le mariage, et c’est aussi un moyen pour les hommes de contrôler la sexualité des femmes.

Toutes les mutilations sexuelles féminines constituent une violation brutale des droits humains et de l’intégrité physique et morale des filles et des femmes, dont les conséquences sont désastreuses sur la vie de celles qui l’ont subit. Amref Health Africa s’engage pour leur éradication d’ici à 2030.

 

Une pratique dont les conséquences sont peu connues  

Dans la plupart des cas, les populations pratiquant l’excision ne connaissent pas ou peu les complications de santé qui affectent la majorité des femmes, excisées dans leur enfance, au moment de la puberté et plus tard dans leur vie.

L’approche d’Amref Health Africa, dans la lutte contre les mutilations sexuelles féminines, est de travailler avec toutes les parties prenantes d’une communauté pour comprendre les attitudes, croyances et perceptions qui rendent leurs pratiques difficiles à éradiquer. Il s’agit de concevoir, de manière participative, des solutions pour réduire la pression sociale et les tabous autour du sujet, apporter des informations sur les conséquences néfaste sur la santé, et dissiper les amalgames avec la religion et les croyances ancrées localement.

Ainsi, le projet Devenir a lancé, dans la région de Sédhiou, de nouvelles activités visant à la sensibilisation d’anciennes exciseuses, au renforcement des capacités des organisations de la société civile locales et à la préparation de modules de formation pour les élèves et jeunes leaders de la localité.

Amadou Tidian Dieng, chef de projet Devenir, Amref Health Africa en Afrique de l’Ouest, explique le contexte de ces activités : « Il faut comprendre que les mutilations sexuelles sont une pratique courante dans la zone de Sédhiou avec un taux de prévalence de 74% et donc c’est une activité considérée par certains comme lucrative. Il y a aussi un manque  de connaissances par rapport aux lois. »

 

50 anciennes exciseuses deviennent sensibilisatrices

En juin, les Amref Health Africa au Sénégal ont organisé un atelier pour permettre à 50 anciennes exciseuses de devenir des relais communautaires pour sensibiliser la population locale sur les conséquences néfastes des mutilations sexuelles féminines. Durant trois jours de formation, elles ont pu mieux comprendre les lois et règlements relatifs à la santé sexuelle et reproductive dans le pays. Elles ont également abordé les nombreuses complications de santé et psycho-sociales liées à la pratique de l’excision. 

« Cet atelier est une belle occasion parce que la plupart d’entre elles (les exciseuses) méconnaissent les textes de loi. Même si elles pratiquent l’excision, c’est souvent parce qu’elle considère que c’est la tradition qui l’exige, ou bien même c’est la religion » explique Josephine Ndao, Juriste, Responsable de la Boutique des droits de Sédhiou et consultante pour cet atelier.

Les précédentes années du projet Devenir ont démontré qu’en sensibilisant les anciennes exciseuses aux dangers et à l’illégalité des mutilations sexuelles féminines, le nombre de ces pratiques peut être considérablement réduit. Ce travail se fait une communauté à la fois, mais permet une transformation pérenne.

Souvent respectées et influentes dans leurs communautés, les anciennes exciseuses jouent un rôle crucial pour favoriser un changement de perspective. Une fois sensibilisées et formées, elles deviennent des défenseuses des droits des femmes et des filles, participant activement aux campagnes de sensibilisation au sein de leurs communautés.  

 

Des modules de formation pour les jeunes 

Pendant deux jours, des responsables administratifs des Inspections de l’Éducation et de la Formation (IEF) de Goudomp, Bounkiling, et de Sédhiou se sont réunis. Cette rencontre, qui s’est déroulée à Sédhiou sous la présidence de l’Inspectrice Régionale à la Vie Scolaire, a permis de revoir, amender, et valider les modules destinés à la formation des élèves et des champion.ne.s du projet Devenir. 

Photo : Élèves champion(ne)s et enseignants du lycée Diaroumé, Sédhiou (Amref Health Africa, Afrique de l’Ouest)

Ces modules de formation visent à favoriser une meilleure compréhension des cadres juridiques nationaux et locaux concernant les mutilations génitales féminines, la gouvernance du secteur de la santé sexuelle et reproductive au Sénégal, ainsi que le dialogue avec les acteurs politiques afin de permettre aux jeunes de participer plus activement aux débats institutionnels.

 

Soutenir les organisations de la société civile locales

En mai, une formation de deux jours s’est tenue à Sédhiou visant à renforcer les capacités des organisations de la société civile. Cet atelier a permis de renforcer les compétences des acteurs communautaires sur les instruments juridiques en vigueur au Sénégal, les méthodes favorisant la participation féminine et celle des jeunes, les mécanismes de gouvernance dans le secteur de la santé sexuelle et reproductive, ainsi que es techniques de plaidoyer et de dialogue avec les acteurs politiques. 

Comme le rappelle Josephine Ndao, Juriste, Responsable de la Boutique des droits de Sédhiou : « Si l’on se réfère à la Constitution du Sénégal en son article 7, elle interdit les mutilations génitales féminines. Il y a d’autres textes tels que la loi de 1999, qui réprime les mutations, physiques ou autres. Et la loi de 2005 qui interdit l’excision.

En consolidant des systèmes de gouvernance dans le secteur de la santé sexuelle et reproductive, qui couvre les problématiques associées aux mutilations sexuelles féminines, cette activité soutient les organisations de la société civile de Sédhiou. Elle leur permet de mieux répondre aux besoins des communautés qu’elles servent, de d’agir avec plus d’impact dans leur lutte contre l’excision. 

Les participants ont été formés aux techniques de dialogue politique pour obtenir plus de transparence et réclamer leurs droits à la redevabilité. Ils ont acquis de nouvelles compétences pour engager les autorités locales dans des discussions constructives sur les mutilations sexuelles et reproductives, et les violences basées sur le genre. Cette formation a été complétée par un module sur le plaidoyer et la sensibilisation en direction du grand public et des décideurs locaux, notamment les leaders religieux.

Amadou Tidian Dieng, présente les perspectives à l’issue de ces activités : « Puisque maintenant les anciennes exciseuses formées comprennent la nécessité d’abandonner la pratique, elles vont se regrouper avec les jeunes et avec les organisations de la civile. Une coalition a été formée au niveau régional avec 30 organisations locales à base communautaire. Elles vont prendre le relais pour les accompagner mais aussi former les jeunes en matière d’interpellation des autorités sur ces questions importantes. Toutes et tous sont mobilisés, parce que ça touche leur avenir.

 

Le projet Devenir est soutenu par l’Agence française de développement. Pour en savoir plus, consultez la page dédiée ici.